stalleite

Par Antoine Barakat
06/03/2005

….. Einstein l’avait prédit.

ou le GPS et le relativité


« Einstein l’avait prédit ».
Qui d’entre nous ne se rappelle pas avoir lu ou entendu plusieurs fois cette expression-ci lors d’une lecture scientifique ou à l’occasion d’un reportage.

En cette année de centenaire de la relativité restreinte, les articles qui paraissent, concernant ses retombées et ses applications, foisonnent.

Les prédictions d’Einstein dans de nombreux domaines d’applications physiques font toujours couler beaucoup d’encre:

- La condensation de Bose-Einstein où, à très basse température, les atomes d’un gaz parfait se regroupent tous dans le même état.

- L’effet Shapiro concernant la déformation de l’espace temps par un corps massif entraîne, non seulement la déviation des rayons lumineux en son voisinage, mais aussi le « retard apparent » de leur trajet.

- La déformation de l’espace-temps provoquée par une masse en rotation sur elle-même. Cette masse créerait une courbure et entraînerait l’espace qui l’entoure comme le ferait une toupie dans du miel. (Objectif de la mission de la sonde Gravity-Probe B, avril 2004, dont les premiers résultats seront connus en 2005.

Il est vrai que vous ne voyagez pas tous les jours avec l’un des jumeaux de Langevin, ni passez votre temps libre à calculer l’avance de la périhélie de Mercure, mais il en est une application pratique et quotidienne de la relativité restreinte, qui nous touche tous, tant ses conséquences sur la vie de tous les terriens sont importantes. Il s’agit du GPS.


Qu’est-ce que c’est le GPS ?

Le GPS (Global Positionning System), est un système de localisation par satellite, mis en place par les Etats-unis dans les années 90, pour un coût d’environ dix milliards de dollars. Il était destiné initialement à la navigation militaire.

Son utilisation civile depuis 1995, s’est transformée en une industrie commerciale prospère.

Il s’agit d’une flottille de 24 satellites non géostationnaires, flottille qui orbite à plus de 20.184 Km d’altitude et cela à une vitesse de 14.000 km/heure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Satellite GPS

 

Les satellites sont repartis par groupe de quatre, sur six plans inclinés à 55° par rapport à l’équateur et déphasés de 60° entre eux.

Chaque satellite est pourvu d’une horloge atomique très précise. En utilisant un récepteur GPS qui détecte les émissions radio de n’importe lequel des satellites, l’utilisateur « terrien » peut déterminer avec précision sa position exacte, sa latitude, sa longitude à une dizaine de mètres près ainsi que l’heure locale avec une précision de 50 milliardième d’une seconde.

Indépendamment des utilisations militaires évidentes, le GPS trouve aussi son intérêt dans la navigation civile et ceci à tous les niveaux.
Mais tout cela ne serait pas possible sans Einstein et son article fondateur en 1905 sur l’électrodynamique des corps en mouvements.

Principe du fonctionnement du GPS :

Le système repose en apparence sur un principe simple. L’utilisateur possède un récepteur et une horloge précise synchronisée avec celles des satellites. (On y reviendra !) Les satellites de la flottille émettent à intervalle régulier un signal électromagnétique qui précise, entre autres, l’heure d’émission. Le récepteur, des utilisateurs que nous sommes, détecte l’heure d’arrivée du signal. A partir de ces deux informations intégrées par le récepteur, heure d’émission et heure de réception, ce dernier est en mesure de calculer la durée d’un aller simple du signal, donc la distance qui le sépare du satellite émetteur.

En intégrant aussi la position du satellite en question, également spécifiée dans le signal, le récepteur détermine la longitude, la latitude et l’altitude du lieu de réception, donc sa position. Pour que cette position soit précise, le système requiert le calcul de données issues de quatre satellites au moins.

Si "c" est la vitesse du signal, "t1" le moment d’émission du signal et "t2" le moment de sa réception. dt = t2 – t1 serait la durée du trajet de celui-ci.
Le trajet "D" parcouru serait c.dt. Il correspond à la distance qui sépare le satellite du récepteur.
C et dt, étant connus, "D" serait aisément calculée !


Premières difficultés

Bien que le principe est à priori simple, il nécessite, pour que le calcul de la distance d soit précis, donc à dix mètres près, que la précision de la durée du trajet soit de l’ordre de 30 nanosecondes.
Pour cela, il faut que :

- Les deux horloges, celle du satellite et celle du récepteur soient parfaitement synchrones.

- Le signal se propage à une vitesse constante et connue. Rappelons que dans le vide, C = vitesse de la lumière est de 299.792 Km/s.

Les horloges des récepteurs au sol, ne peuvent être aussi précises sinon elles seraient chères et volumineuses. Ce sont les horloges orbitales atomiques qui, très précises, vont se charger de remettre régulièrement à l’heure celles des récepteurs au sol.
Voilà la première difficulté contournée.

Apport de la relativité restreinte :

Mais ce n’est pas tout. Dans un monde relativiste, les choses ne sont jamais simples. Les horloges embarquées des satellites sont en mouvements. Elles gravitent à 14.000 Km/heure et font le tour de la terre deux fois par jour. Leur vitesse est beaucoup plus rapide que les horloges du référentiel terrestre, immobiles ou « peu » mobiles.

Or, selon la relativité restreinte d’Einstein, le temps s’écoule plus lentement pour un corps en mouvement dans un référentiel donné. Autrement dit, la durée des évènements d’un corps en mouvement paraît plus longue pour un corps au repos. C’est la notion de la " dilatation du temps "

Pour un satellite orbitant toute les douze heures autour de la terre et qui repasse deux fois par jour au dessus du même endroit, la durée d’un évènement telle qu’elle est mesurée par l’horloge du satellite se trouve allongée par rapport à celle d’un évènement situé lui sur la surface terrestre.
Ce retard est de l’ordre de 7,1 microsecondes par jour. Ce qui veut dire que la dérive, si l’on ne tient pas compte de cette imprécision, sera de l’ordre d’une dizaine de mètres après cinq minutes, soit près de deux kilomètres par jour.

Le GPS perdra tout son intérêt…

 

Mais ce n’est pas tout. A cette première correction, s’ajoute une deuxième imprécision qui, elle aussi exige d’être prise en compte. C’est l’effet de la gravitation ou « blueshift » gravitationnel en relation avec la relativité générale :

Un photon qui "tombe" vers la terre voit son énergie augmenter. La vitesse étant fixée, cela se traduit par une légère augmentation de sa fréquence. C’est le déplacement, d’origine gravitationnel, vers le bleu.
Or le photon constitue, par l’intermédiaire de cette fréquence, une sorte d’horloge, très précise, faisant partie des propriétés exploitées par les horloges atomiques.

Ce phénomène de décalage vers le bleu aboutit à ce que, même pour des horloges atomiques identiques, le temps s’écoule plus lentement pour les horloges terrestres que pour les horloges en orbite ou la gravité est quatre fois moindre.

(En extrapolant selon le même principe, le temps ralentit tellement pour un voyageur aux abords d’un trou noir ayant un champ gravitationnel si intense, que ce temps devient figé pour un obsevateur situé loin de l'horizon des évènements, quand ce voyageur franchit cet horizon).

Cette particularité fait retarder les horloges terrestres par rapport à celles embarquées en orbite de 45.7 microsecondes par jour, ce qui conduirait à une dérive positionnelle de 14 km par 24 heures.

Compte tenu de ces deux imprécisions qu’il est nécessaire de corriger pour aboutir à une précision acceptable dans le positionnement de l’utilisateur du GPS, les horloges au bord des satellites sont programmées pour retarder de 38.6 microsecondes par jour, ce qui constitue la résultante des deux imprécisions que nous venons de voir.

Dans la pratique, d’autres corrections plus classiques rentrent en ligne de compte, sur lesquelles nous nous étendrons pas (vitesse de la lumière dans l’atmosphère, trajectoires des satellites, influence de la rotation de la terre ou effet Sagnac). Ces corrections sont effectuées par le récepteur.

Ainsi, la prochaine fois que vous vous servez de votre GPS, vous aurez une pensée à Einstein qui sans lui, le positionnement par GPS n’aurait pas été si facile.


Il est une question que je me pose. Si la relativité n’était pas connue de nos jours, aurions-nous fait le chemin de raisonnement inverse, à travers le GPS et d’autres applications, pour conclure à son existence et établir ses lois et formules ?

Antoine Barakat

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